A mediaCapture, on ne le cache pas, on est super copain avec Gaston, aussi, quand on constate à quel point ce bonhomme se fait conspué, insulté, villipendé sur internet depuis quelques mois, suite à l’affaire de la photo de Coluche, on le soutient.
Nous sommes très attristés de constater à quel point son nom fut, et est encore sali sur le web, tous ça pour avoir voulu défendre l’intégrité de l’une de ses oeuvres face aux Restos du Coeur et autres Enfoirés.
Notre rencontre remonte à 11 ans en arrière (juillet 2004), alors que les trois membres fondateurs de mediaCapture étaient agenouillés sur le trottoir de la rue trousseau, faisant des aller-retour sur la devanture vert-pomme de la boutique du 17, un rouleau de peinture couleur aubergine à la main. A ce moment-là, la somme de nos âges n’atteignait pas encore les 75 ans. Il fut un des premiers à nous avoir accueilli à bras ouverts dans le quartier, alors que d’autres ne donnaient pas cher de la peau de ces trois bébés de 23 et 25 ans se lançant dans une étrange activité appelée dématérialisation.
Et depuis, il nous squatte presque tous les jours.
C’est aussi grâce à Gaston que nos chemins ont pu croiser ceux de Moebius, Hayao Miyazaki, Jil Larson et tant d’autres.
Aussi, quand notre copain Mandrake (un brillant guitariste qui excelle à la basse) publie un article sur la véritable histoire de cette photo, on la publie nous aussi, en recopiant l’intégralité de l’article, et en l’agrémentant d’un petit film en Super 8 illustrant bien l’ambiance de ses séances photos.
C’était lors des 1 an de mediaCapture, et on voit bien comment Gaston est capable d’animer tout un quartier juste pour avoir la bonne photo.
… tiens, d’ailleurs, il faudrait que je la retrouve cette photo.
MERCREDI 29 AVRIL 2015
LA PHOTO DE COLUCHE
La véritable histoire et les coulisses d’une célèbre photo qui a beaucoup fait parler d’elle…
Depuis quelque temps, et de façon récurrente, on peut lire ou entendre ici et là des propos qui frisent la calomnie ou la malhonnêteté intellectuelle, au sujet de la photo de Coluche qui est utilisée depuis presque 30 ans pour accompagner les activités des Restos du Coeurque l’artiste avait créés.
Les erreurs, interprétations et parfois les mensonges, concernent autant la manière dont la photo a été prise (qui voudraient faire croire qu’elle a été « soutirée » à Coluche par un photographe qui l’aurait « harcelé ») que la personnalité du photographe, qu’on a voulu faire passer pour un être vénal au prétexte qu’il s’est opposé au détournement de son cliché par les « Enfoirés ».
(Je me suis exprimé à ce sujet il y a 2 ans, quand soudain tout le monde se déchaînait contre Gaston) :
laffaire-de-la-photo-de-coluche-paf.html)
Il se trouve que je connais très bien l’intéressé, et que je suis en mesure de rétablir certains faits. Et puisque tout récemment de nouveaux articles (d’où le journalisme est totalement absent !) ont complaisamment remis en ligne certains mensonges, il me semble pertinent de remettre quelques pendules à l’heure.
On ne trouve ces dessins nulle part sur le net, je crois…
La revue Vogue Italia, par l’intermédiaire de la journaliste Francesca Premoli, a commandé à Gaston Bergeret un reportage photo lors du Festival de Cannes. Il s’agit de proposer au magazine des portraits de quelques acteurs et réalisateurs.
Gaston n’est pas un inconnu pour la revue : rappelons qu’il a obtenu le Prix de Rome quatre ans auparavant et a été adoubé par Robert Doisneau himself, pour la qualité de son regard artistique…
Cette semaine-là sort le film de Dino RISI « Le fou de guerre », dont Coluche tient le rôle principal, et la tournée des plateaux télé bat son plein. (c’est d’ailleurs sans doute pour cela que Coluche a encore sa coupe de cheveu très courte, un peu comme dans le film…)
D’autres films en compétition ont permis à Gaston de photographier également Emir Kusturica ou Alan Parker, lors du festival.
Pour Vogue Italia, Gaston a installé un petit « studio photo » de fortune dans le hall de l’Hôtel Martinez. Là, il a tendu une toile et installé une chaise sur laquelle il demande à ses « sujets » de s’installer, généralement à cheval, les mains sur le dossier, pour une posture naturelle. (à la fin de ce texte, vous découvrirez les 6 portraits de cette fameuse séance !)
Stars sur chaise !
Tout cela se déroule entre 11h30 et 15h. Le premier à s’installer sur la chaise, le matin, sera le metteur en scène et réalisateur Patrice CHEREAU, pour un beau portrait, qui sera parfois reproduit dans la presse ou ailleurs.
S’enchaineront ensuite successivement le réalisateur Dino RISI, puis le réalisateur Mario MONICELLI et l’acteur Bernard BLIER.
A la mi-journée, Gaston voit Coluche très entouré, qui se rend sur le plateau du journal d’Yves Mourousi, en duplex de Cannes.
Coluche aperçoit son installation et s’en amuse. Gaston, pour le titiller, s’adresse à lui en italien : « Permesso, signor Colucci, un ritratto per le Vogue Italia ? »
Mais Coluche est accaparé par le service de presse, le staff du festival, des journalistes, et il lui fait un salut et un signe d’impuissance…
Gaston prend son mal en patience et aperçoit Michel PICCOLI, dont il tirera également le portrait quelques minutes plus tard.
Soudain, Coluche réapparaît ! Il s’est éclipsé, prétextant aller aux toilettes pour rejoindre Gaston et son studio photo improvisé dans le hall. Cette fois ils se parlent en français. « Eh ben vas-y mon pote, tu as 30 secondes pour me tirer le portrait… ! »
Coluche photographié par Gaston… croqués par Moebius ! |
Elle rappelle à Gaston qu’une belle photo, c’est souvent 10 secondes… précédées par 2 heures d’installation et 20 ans de métier !Michel PICCOLI a assisté à la scène, qui l’a amusé, et après que Coluche soit retourné sur le plateau TV, il s’installe à son tour pour être portraitisé par cet étonnant photographe. (on le voit assez hilare, dans sa pose, en fin de ce texte)
En l’espace d’un peu plus de 3 heures, Gaston aura ainsi immortalisé 6 artistes. Etrangement, de cette session, seule la photo de Coluche ne figurera pas dans l’édition de Vogue Italia quelques jours plus tard !Ci-dessous, vous pourrez découvrir les 6 portraits.
J’aimerais attirer votre attention sur 2 choses qui sautent aux yeux et démentent complètement les âneries qu’on a pu entendre ou lire au sujet de la photo de Coluche :- on voit bien que ces portraits sont « posés » et que le photographe a pris soin d’installer un fond et de faire en sorte d’obtenir un bon résultat malgré l’environnement. On est bien loin d’un prétendu « cliché de photographe harceleur qui aurait coincé Coluche pour le photographier aux toilettes » !!!! (ne riez pas : je l’ai lu hier dans un « article journalistique »… et on peut se demander pour quelle raison certains relaient une histoire inventée au sujet d’une anecdote qu’ils n’ont pas vécue !)
– une autre chose frappe : Dino RISI, Bernard BLIER et COLUCHE ont le même regard qui pétille. Il faut savoir (j’en ai souvent fait l’expérience, y compris en compagnie de Moebius !) que Gaston a pour « spécialité » de créer une ambiance d’hilarité ou de fantaisie quand il tire un portrait : il saute, plaisante, pousse des exclamations avec son accent du sud-ouest, jusqu’à obtenir « le moment » de l’étincelle dans le regard.
Et c’est bien la leçon de ce beau portrait de Coluche : dans son regard, on voit se refléter celui de l’artiste qui le prend en photo.
Car cette photo est aussi une oeuvre d’art.L’année suivante, on demandera à Gaston de pouvoir utiliser ce cliché extraordinaire pour accompagner les Restos du Coeur.
Non seulement le photographe accepte, mais il donne l’autorisation à viepour les bénévoles des Restos d’utiliser cette photo, afin de soutenir leur action pour les distributions (sur les camionnettes, en affiches sur les lieux de distribution, etc. )
Photo © Reuters |
Lorsque, bien des années plus tard, il s’offusque du détournement de cette image sans qu’on le consulte, on ne donne pas suite.
La vision de ce portrait défiguré, affublé de moustaches, sur des T-shirts, mugs ou autres utilisations commerciales il y a 2 ans, font bouillir son sang de Gascon… D’autant qu’on lui conteste qu’il s’agit bien d’une photo d’artiste, au prétexte que c’est un portrait et que Coluche est plus célèbre que lui…
Contrairement à ce qui a été écrit et relayé partout, il n’a jamais interdit aux bénévoles d’utiliser la photo, mais assigné les Enfoirés et l’organisation des Restos au civil, pour qu’ils n’exploitent pas la photo commercialement en la détournant, sans son accord (ou alors en le rémunérant pour cela, logiquement, puisque ça n’a plus rien à voir avec le don qu’il avait fait spontanément en 1986 au bénévoles des Restos du Coeur !).
Les amis et proches de Gaston Bergeret ont souffert de la médiatisation négative et souvent orchestrée avec malveillance, autour de cette photo, qui a pu occulter parfois son magnifique travail (notamment autour de l’architecture) et qui continue de le poursuivre… alors qu’elle avait été un joli moment de partage entre 2 hommes… suivi d’un grand moment de partage avec un très grand nombre de ses contemporains.
Jean-Luc Muller – avril 2015
Portraits reproduits avec l’autorisation de Gaston F. Bergeret
Dessins de Moebius offerts à Gaston, qui m’a autorisé à les reproduire.
(cliquer dessus pour agrandir 🙂